Titre : “La sixième extinction, comment l’homme détruit la vie”
Auteur : Elizabeth Kolbert
Edition originale en 2014 – traduction française en 2015
Librairie Vuibert
Pour les paléontologues, une extinction de masse est caractérisée par des pertes élevées de biodiversité survenant rapidement (à l’échelle des temps géologiques) et s’étendant à toute la planète. La plus connue du grand public (dite extinction K-T) est intervenue à la fin du Crétacé, il y a 66 millions d’années ; elle a notamment entraîné la fin des dinosaures.
Au cours des 500 derniers millions d’années, il y a déjà eu 5 extinctions de masse dues à des causes différentes (changements climatiques rapides sans doute liés à des variations du taux de gaz carbonique dans l’atmosphère, épisode volcanique brutal, impact d’un astéroïde, …). Sommes-nous en train de vivre la sixième, provoquée cette fois-ci par l’homme ?
Pour répondre à cette question, l’auteure, journaliste au New Yorker spécialisée dans les questions environnementales, a interrogé de nombreux scientifiques appartenant à des disciplines diverses.
Le livre ne se présente pas comme un ouvrage scientifique. C’est un récit pittoresque, rédigé dans un style alerte, de visites à des laboratoires ou de rencontres avec des spécialistes sur leur lieu de travail au cours desquelles ceux-ci livrent leurs conclusions.
L’ouvrage s’ouvre par l’exemple frappant de l’effondrement en cours de la population d’amphibiens (grenouilles, crapauds, salamandres, …). Ceux-ci sont aujourd’hui la classe d’animaux la plus menacée par d’extinctions (chapitre 1).
L’auteure résume ensuite les découvertes scientifiques qui ont conduit à remettre en cause l’idée, admise par tous jusqu’au XVIIIème siècle, que « la chaîne de l’être » ne pouvait être brisée :
• C’est Cuvier qui, vers 1800, a mis en évidence l’existence d’espèces disparues (chapitre 2).
• Un débat s’est engagé au XIX siècle entre uniformaritaristes (Lyell et, avec des nuances, Darwin) et catastrophistes (Whewell), les premiers pensant que l’extinction d’une espèce se faisait à une vitesse très lente, les seconds admettant qu’elle puisse être rapide (chapitre 3).
• Les causes de l’extinction K-T ont été longuement débattues mais des arguments forts ont été développés dans les années 1980 en faveur de la collision avec un météorite au Yucatan (chapitre 4)
• Enfin, à partir de 1995, est apparu le terme d’« anthropocène » pour désigner une nouvelle époque géologique, durant laquelle l’influence de l’être humain sur la biosphère a atteint un tel niveau qu’elle est devenue une « force géologique » majeure capable de marquer la lithosphère (chapitre 5).
La suite de l’ouvrage présente différents aspects de la « sixième extinction » :
• L’acidification des océans provoquée par la concentration de gaz carbonique et ses conséquences sur la vie en milieu marin (chapitre 6)
• La dissolution progressive de la grande barrière de corail (chapitre7)
• Les effets du réchauffement climatique sur les espèces végétales (chapitre 8)
• Les conséquences de la déforestation sur les espèces animales telles que les fourmis, les papillons ou les oiseaux, … (chapitre 9)
• L’hécatombe de chauves-souris due à l’introduction d’agents pathogènes (bactérie, microchampignons, …) (chapitre 10)
• Le déclin des animaux de grande taille comme les rhinocéros, les éléphants, les ours et les grands félins (chapitre 11)
• La disparition des néandertaliens il y a environ 40 000 ans, probablement imputable à l’homme moderne (homo sapiens) (chapitre 12).
En conclusion (chapitre 13), la sixième extinction, l’extinction de l’anthropocène, a une cause inédite : l’apparition de cette espèce envahissante qu’est l’humanité. Mais celle-ci n’est-elle pas en train de scier la branche sur laquelle elle est assise ? Ou bien trouvera-t-elle les ressources pour surmonter le désastre qu’elle aura déclenché ?
L’avenir n’est pas écrit ; en revanche il est certain que nous vivons ce moment extraordinaire où l’humanité va décider, peut-être sans en être consciente, des voies évolutives qui resteront ouvertes pour notre monde et de celles qui se fermeront à jamais.
Note : la phrase « Cambronne Ordonna Silence et Dévouement à ses Carabiniers Permissionnaires » est une formule mnémotechnique pour retenir l’ordre de succession des périodes de l’ère Paléozoïque (ex- ère primaire) qui s’étend de -541 à -252 millions d’années.
Jean-François BENARD