Le salon des fleurs au Musée des beaux-arts de Lyon

Une salle du Musée des Beaux-Arts de Lyon est entièrement consacrée à la peinture de fleurs, où l’on découvre d’éclatants bouquets composés d’une multitude de fleurs des jardins raffinées, entremêlées de fleurs des champs, jaillissant de vases de marbre antiques ou de simples paniers et corbeilles.

On prend plaisir à identifier chacune des fleurs, car elles sont peintes avec une grande précision botanique : au centre, les grandes fleurs de jardin de toutes saisons, espèces rares et précieuses, pivoine, rose centifolia, rose églantine, rose double, rose de chine, roses hybrides (mais pas encore les roses-thé…), fritillaire, tulipe panachée, tubéreuse, lis, pavot, delphinium, rose trémière, iris, hortensia, lilas, dahlia, tournesol, reine-marguerite, mais aussi capucine, jasmin, primevère, narcisse à petites fleurs, campanule, myosotis, œillet, volubilis, jacinthe, se mêlant parfois aux raisins, figues, pêches, groseilles et ananas. Plus rares sont les fleurs des champs et les herbes qui allègent et assouplissent les grandes masses centrales.

En opposition avec le fond sombre et uniforme, les couleurs sont délicates et fraîches : roses nuancés, rouges profonds ou éclatants, blancs transparents, bleus et jaunes orangés plus rares ; les verts des feuilles sont peut-être plus conventionnels, vert-bleu ou vert-gris parfois nuancés de roux ou de brun.

Antoine BERJON (1754-1843) – Fleurs dans un vase d’albâtre, daté de 1813 – Détail

(Musée des Beaux-Arts de Lyon)

Ce « salon des fleurs » réunit tout un ensemble de tableaux du XVIIIe et XIXe inspirés des peintres flamands du XVIIe, dans la même veine naturaliste et illusionniste.

Aux peintres du Nord du XVIIe siècle présentés dans les salles précédentes succèdent ainsi des peintres originaires des Pays-Bas installés en France (dont Jean-François Van Daël) et lyonnais (en particulier Jean-François Bony, Antoine Berjon, Simon Saint-Jean et Augustin Thierriat), évoquant toute une école de peintres spécialisés « fleuristes».

Jean-François Van DAËL (1764-1840) – Vase de fleurs avec une tubéreuse cassée – 1807
Détail du pavot (Musée des Beaux-Arts de Lyon)

Cette salle a été conçue pour servir de florilège et offrir des modèles aux élèves de la « classe de la Fleur » de l’École des Beaux-Arts de Lyon, ouverte au début du XIXe pour former de futurs peintres spécialistes de fleurs, dessinateurs pour la soierie ou autres métiers d’ornement. En effet, le développement de l’industrie de la soierie lyonnaise (« la Grande Fabrique »), accompagné par les progrès mécaniques des techniques du tissage et les recherches chimiques dans le domaine de la teinture, imposait de créer une école de professionnels capables de créer des compositions et des motifs toujours plus riches et complexes, avec un nombre accru de couleurs.

Jean-François BONY (1754-1825) – Vase de fleurs – 1812 – Détail
(Musée des Beaux-Arts de Lyon)

Auparavant, la formation des dessinateurs de soierie se faisait directement par apprentissage dans l’atelier d’un dessinateur de Fabrique, ou chez un fabricant pour y maîtriser la technique du métier et la « mise en carte » (découpage du dessin en petits carreaux de couleur pour l’adapter à la technique du tissage). Les dessinateurs les plus célèbres du XVIIIe (comme Philippe de Lasalle) étaient à la fois peintres, tisseurs, mécaniciens et même fabricants et négociants.

C’est donc à la demande des fabricants et dans le but d’améliorer la formation des dessinateurs qu’est né le projet de création d’une école appliquée à la fabrication des étoffes, où s’enseigneraient la « fleur naturelle » et la « mise en carte ». La création de l’École des Beaux-Arts permettait de répondre à cette demande, avec l’ambition élargie de fonder un enseignement à la fois artistique et appliqué à l’industrie, académique et pratique, avec différentes classes de « principes », de « peinture et figures », de « sculpture et géométrie » et d’une « classe de la Fleur ».

Augustin THIERRIAT (1789-1870) – Fleurs dans un vase du Japon – 1854
Détail (Musée des Beaux-Arts de Lyon)

Les élèves de la « classe de la Fleur » disposaient ainsi d’un véritable florilège dans le salon des fleurs du Palais Saint-Pierre, mais pouvaient aussi se procurer des fleurs fraîches, pour des études d’après nature, au Jardin des Plantes créé sur les pentes de la Croix-Rousse (à proximité du lieu où sont implantés les ateliers de tissage).

Les esquisses et études effectuées tout au long de l’année, suivant les floraisons, servaient aux grandes compositions réalisées hors saison en atelier.

Le développement de l’horticulture au XIXe dans la région lyonnaise accompagne également cet engouement pour les fleurs, le transfert du Jardin des Plantes au Parc de la Tête d’Or permettant d’augmenter les collections et de montrer les nouvelles créations de roses, de pivoines…

Simon SAINT- JEAN (1808-1860) – la Jardinière – 1837 – Détail de la brassée de fleurs
(Musée des Beaux-Arts de Lyon)

Cette découverte invite à poursuivre la recherche de fleurs au Musée des Tissus de Lyon, pour y retrouver roses et pivoines dans les soieries, y admirer la richesse des motifs, puis à essayer de comprendre la mise en carte et la complexité du mécanisme des métiers à tisser au Musée des Canuts et y voir s’entrelacer avec subtilité les fils de soie les plus fins et les plus colorés, sous vos yeux…

Agnès COLLANGE

EN COMPLEMENT…

Peintres de fleurs présents au Musée des Beaux-Arts de Lyon

Ecole du Nord et Ecole Lyonnaise